Que savons-nous ? Et sommes-nous même assurés d'exister ? Actuellement différents de ce que nous étions à la seconde précédente, et de ce que nous deviendrons dans un instant, nous assistons à l'évanouissement perpétuel des phénomènes du monde extérieur, aussi bien qu'à celui de nos états de conscience.

André Rolland de Renéville

dimanche 11 mars 2012

J'aime les garçons qui ressemblent à des filles.

J'aime les garçons qui ressemblent à des filles.

J'aime les androgynes, les hommes frêles, un peu fêlés, élancés, féminins.

J'aime les vampires nés au tournant du siècle.

Autant le dire tout de suite : j'aime Robert Pattinson dans Twilight, le film (et même dans l'épisode 4).

J'aime les jeunes hommes très jeunes.

J'aime les corps très vifs.

J'aime Tadzio dans La Mort à Venise, de Visconti.

J'aime les visages bien dessinés.

J'aime le Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci au Louvre.

Devant son visage, je me suis attardée longtemps, un matin d'été.

J'aime chez Filippino Lippi l'archange Raphaël, debout au centre, dans Trois Archanges et le jeune Tobie.
Lacis de cheveux châtains qui tombent dans le dos comme un treillis.

J'aime les hommes aux cheveux longs.

Bien fol est qui s'y fie! Surtout quand les idées courantes s'entremêlent et s'y trompent.

Car androgyne ne signifie pas métrosexuel.

D'ailleurs, à l'époque des soi-disant métrosexuels, des identités troubles, l'androgynie semble perdre son sel, son essence.

Un androgyne n'est pas un hétérosexuel qui sait s'habiller, ni un homosexuel efféminé.

Un androgyne est un homme qui est tout à la fois homme et femme.

Drôle de phrase dans le New York Times, au milieu d'un article sur la musique baroque :"ce qui fait tourner la tête à une femme, c'est un garçon qui pourrait ou non être une fille."
' j'ajouterais peut-être : mais qui en définitive ne l'est pas.

Car j'allais oublier, j'aime les contre-ténors.

J'aime Philippe Jaroussky, mais pas sur la couverture de Heroes où il joue l'homme à la cravate, pour nous montrer que les contre-ténors, aussi, sont des hommes.

J'ai horreur des cravates.

Des costumes de ce siècle.

J'aime Philippe Jaroussky quand sa voix devient dérangeante même pour lui, quand il est mis en péril par sa voix.

J'aime le XVe siècle.

Les princes libertins.

J'aime le Casanova vieillissant de La Nuit de Varennes, d'Ettore Scola.

Marcello Mastroianni affublé d'une longue perruque blanche qui offre un baiser au garçon coiffeur : 'il ne faut jamais rien refuser par principe'.

Evidemment, j'aime être un peu masculine, même si je crains bien ne l'être pas du tout.

N'empêche : je me fantasme agent secret, ou amazone.

Non pas James Bond Girl mais James Bond, pistolet au poing.
 Anne Parillaud dans Nikita.

Une femme forte est une femme féminine ? Entendez, une femme qui sait porter sa féminité comme un garçon.

Une balle dans le coeur.
Nikita, c'est moi.
 
Je me fiche pas mal du post-modernisme, des "gender studies", des "lesbiennes eskimo".

J'aime les garçons qui me regardent l'air de rien mais qui tremblent comme une feuille.

J'aime la ferveur.

La liberté de se réinventer.

Le temps qui s'arrête.

J'aime les garçons qui ressemblent à des filles.

par Lila Azam Zanganeh

paru dans Jalouse de Février 2012

 Simeon Solomon, The Sleepers, and the One that Watcheth (1870)

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