Pour le plus grand bien
« - Mais non...il n'y a que toi que j'aime. »
Je me figeais sous le poids de mon audace à prononcer de telles paroles. Gellert, debout un peu plus loin, restait la main en l'air, son bras formant un arc de cercle parfait prolongé par le port de sa baguette magique. Il s'était apprêté à jeter dans l'air un sort quelconque pour nous distraire, mais il restait immobile désormais. Il me fixa droit dans les yeux. Un bon moment...il avait l'air perplexe. Tout son visage exprimait un sentiment que toujours aujourd'hui je ne saurais nommer. Etait-ce de l'incompréhension ? De l'admiration ? De la satisfaction ? De la vanité ? De la joie ? Non, de la joie, certainement pas, mais sans doute était-ce un mélange de toutes les émotions énumérées auparavant. Décrire le visage de Gellert avec précision m'est de toute façon impossible, car trop souvent il me hante.
En parler me fait déjà si mal...je suis un homme de grande faiblesse, oh oui, contrairement à ce que l'on croit. Ah, son visage...le visage de mon premier et unique amour, mon premier amour humain, physique, exclusif.
Gellert...Gel. Je ne le connaissais que depuis trois semaines et déjà, à sa rencontre, ma vie avait changée. Ce jour-là je lui racontais Poudlard, mes amis, qu'à l'heure qu'il était j'aurais dû être en Grèce avec l'un d'eux, mon cher Elphias. Et comme en disant cela je soupirais, Gellert crut que j'avais voulu lui signifier que bavarder avec lui m'ennuyait. Que je ne l'aimais pas assez, que j'aurais dû « rester avec [mon] petit ami au lieu de [m'] embêter avec un étranger ». Alors je lui avais répondu ses mots.
Au bout d'un moment, Gellert sourit et un bouquet des petites fleurs bleues sortit de sa baquette. Myosotis et pervenches... son bon goût naturel. Il abaissa son bras, il abaissa ainsi son âme et de surcroît m'invita à s'approcher de son cœur. La première barrière s'affaissait. Je rattrapais les fleurs au vol.
« - Tu m'aimes ? demanda-t-il. Réellement ?
Ses interrogations n'étaient pas posées sur un ton ou mode particulier. Quand Gellert avait un plan, il ne le laissait jamais transparaître à travers sa voix ou son attitude générale. (J'eus par ailleurs bien de nombreuses occasions de le vérifier.)
Je plongeais mon regard dans le sien.
- Je t'aime. Je suis fou de toi. Ce que nous préparons depuis trois semaines...dis-moi que c'est réel. Dis-moi que nous allons faire quelque chose de notre vie. Que nous resterons ensemble. Que tu es sincère.
Le sourire de Gellert s'était agrandi.
- Viens... dit-il, me tendant la main. »
Je posais la mienne dans la sienne et aussitôt, nous transplanions.
***
Gellert nous avait amené au beau milieu d'un champ de blé. Je savais que nous n'étions pas loin de Godric's Hollow mais j'aurais bien été incapable de reconnaître le lieu exact dans lequel nous nous trouvions. A vrai dire, je ne passais pas beaucoup de temps à me promener dans les environs de mon village, j'estimais y avoir déjà passé beaucoup trop de temps. Environ onze ans à temps plein, plus certaines vacances solaires lors de mes sept années d'études à Poudlard ! Et je n'avais pas encore dix-huit ans. Je voulais voir le monde moi, et Poudlard était fini justement ! On m'annonçait déjà comme futur Ministre de la Magie, j'avais obtenu le prix Barnabus Finkley d'aptitude exceptionnelle aux sortilèges, siégeait au Magenmagot en tant que représentant des jeunes anglais, et quoi d'autre encore ? Pas besoin d'établir un liste mes précoces exploits, j'étais le sorcier le plus doué de ma génération, voilà tout.
Le sorcier le plus doué mais le seul condamné à se retrouver coincé dans sa maudite maison de famille...Et pour quoi ? Pour m'occuper d'un frère et d'une sœur qui savaient très bien à mes yeux (même s'il s'avéra par la suite que j'avais ô tort, si tort) s'occuper d'eux-mêmes.
Heureusement donc que l'une de mes voisines de Godric's Hollow, Bathilda Tourdesac, m'eût présenté à son petit-neveu, Gellert Grindelwald donc. Gellert était un jeune sorcier aussi brillant que moi. Nous partagions les mêmes centres d'intérêts. Il était la rencontre inattendue, ma grande chance. Mais pourquoi n'avais-je donc pas continué la divination après mes examens de B.U.S.E ? Pourquoi aura t-il fallu si longtemps pour que je prenne cette science au sérieux ? J'aurais pu alors prévoir l'arrivée de cet être dans ma vie !
… Avec toutes les conséquences que cela impliqua.
*** (1)
Il faisait voler comme des étincelles dans les airs, fendant le ciel de ses sortilèges et tout son corps avec lui m'entraîna dans sa danse. C'était comme si chaque particule du champ de blé était entrée en lévitation et susurrait des ondes sucrées à mon oreille. L’air était plein d’encens. Le meilleur des hydromels coulait sur nos torses, mes vêtements pendouillaient dans l'espace, Gellert tourbillonnait avec sa baguette, souriait au ciel, ivre de félicité. Notre monde était doré. Le doux vent faisait tout vibrer en moi, réveillait mon amour. Les feuilles qui gisaient dans les bois alentours couraient jusqu’à nous : elles chantaient leur chant sacré. Je contemplai longtemps les formes magnifiques que la nature prend dans les champs pacifiques : c’était l’œuvre de mon amour.
Je me détournais de lui.
« - Mais enfin Albus, n'es-tu pas heureux ? hurla-t-il.
Ses enchantements s'arrêtèrent brusquement. Je tordais mes mains l'une dans l'autre. L'aura de bonheur qui flottait dans l'air se dissipait progressivement. Je ne disais rien. Quand je me retournais, face à Gellert, ce fut les yeux remplit de larmes. Je tremblais.
- Oooh mon Alb s'attendrit-il. Il m'étreignit.
Ce qui eût pour effet de me faire immédiatement ravaler mes larmes tant mon corps ne se réduisait plus qu'à une seule partie désormais: mon sexe. Je désirais Gellert. Je le désirais si fort. Mon pénis en érection me brûlait les entrailles. Il ne put pas relâcher son étreinte car il sentit la force de mes sentiments sur son corps. Et puis je m'étais collé à lui. Je plaçais ma main au-dessus de son oreille. Doucement, sûrement, sans faire de geste brusque. Je ne voulais rien faire qu'il puisse réprouver. Rien faire qui puisse nous briser et nous anéantir, rien qui puisse me faire demander « N’existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure » ? Je voulais surtout qu'il puisse m'entendre alors j'écartais une mèche de ses beaux cheveux blonds. Blond comme les blés...
- Je ne serais jamais heureux si tu ne me donnes pas plus, murmurais-je à son oreille.
Je ne pouvais pas voir son visage et donc ne pouvais pas savoir ce qu'il pensait. J'étais dans un état second, trop excité pour pratiquer la légilimancie et m'informer sur ses sentiments, sans doute confus. Gel, je t'aime continuais-je.
A ces mots, sa réaction fut violente et vive.
- Tu m'aimes ? Mais sais-tu ce qu'est l'amour, pauvre fou ? attaqua-t-il.
- Oui, et je le ressens pour toi. Je t'en supplie Gel, ne m'abandonnes pas ! commençais-je.
Il m'avait repoussé si fort que j'étais tombé à terre. J'étais donc à ses pieds. Il s'éloignait de moi, une expression de profond dégoût déformait sa bouche. J'attrapais son genou, puis sa cuisse, puis sa cheville. Y collait mon front. Son pied charmant semblait rire à côté du mien.
- Je ferais tout pour toi, Gel. Je quitterais Abelforth et Ariana. Nous irons chasser les moldus ensemble, nous construirons notre Empire. Je te suivrais, serait ton ombre. Quand tu auras trop de pression, tu pourras l'alléger en moi. Je te serais dévoué. Prêt-à-l'emploi. Je n'ai besoin que de ton amour, Gel. Ma passion pour toi me dévore.
Il ne s'enfuyait plus. Je relevais la tête. Je vis cette lueur dans ses yeux, cette lueur qui signifie "changement de plan!".
- Nous trouverons les reliques, Gel. Nous serons les deux sorciers les plus puissants que l'on ait jamais connus....
Il se pencha vers moi.
-Tournes-toi, Alb.
Maintenant nous étions tout deux sur le sol, mais il se tenait derrière-moi.
- Assieds-toi en tailleur s'il te plaît.
Je m'exécutais.
- Non pardon, allonges-toi je veux dire.
Il me chevaucha. S’allongea sur moi. Sa peau contre ma peau…je fermais les yeux. Frissonnait.
Jusqu'où es-tu prêt à aller, Alb ? »
Partout, Gellert Grindelwald, j’étais prêt à aller partout. Au paradis comme en enfer, pourvu que c'eût été avec toi.
(1) Je relisais mon texte, puis découvrait un peu plus tard (en même temps même) un poème qui reflétait parfaitement le petit univers fantasmagorique de cette partie.
Quelle ne fut pas ma surprise, j'écrivais que le monde de Gel & Alb était doré dans leur petit champ de blé et Victor Hugo parle du ciel doré sous lequel les amours de son personnage se passaient !! Dans une forêt en plus, à côté de champs...
Vous imaginez ma réaction ? *Ouuaaah trop fière, je suis hugolienne dans l'âme !* J'ai alors décidé de me servir de la prose du Maître et certaines phrases de ce petit passage sont des emprunts directs à Victor Hugo quand d'autres sont des allusions.
Comme quoi, cela prouve qu'au final tout à déjà été écrit ! *Mais j'ai eu les mêmes images qu'Hugo dans ma tête, lalalalala*
Bon, donc, si vous voulez aller voir ce poème, c'est pratique car il propose déjà la fin de l'histoire ! Etrange non ? Et je ne l'avais jamais lu avant, bien entendu.
C'est le poème n° 34 du recueil Les Rayons et les Ombres (1909): "Tristesse d'Olympio".
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