V. Caractères de haute et basse civilisation
225. L’esprit libre, notion relative
On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu’on ne s’y
attend de sa part en raison de son origine, de son milieu, de son état
et de sa fonction, ou en raison des opinions régnantes de son temps.
Il est l’exception, les esprits asservis sont la règle ; ce que ceux-ci lui
reprochent, c’est que ses libres principes ou bien ont leur source
dans le désir de surprendre ou bien permettent même de conclure à
des actes libres, c’est-à-dire de ceux qui sont inconciliables avec la
morale asservie. On dit aussi parfois que tel ou tel de ces libres
principes peut se déduire de quelque travers et exaltation de l’esprit ;
mais seule parle ainsi la méchanceté, qui ne croit pas elle-même à ce
qu’elle dit, mais veut s’en servir pour nuire : car l’esprit libre porte
d’habitude le témoignage de la précellence et de l’acuité de son
intelligence écrit sur son visage, si lisible que les esprits asservis le
comprennent fort bien. Mais les deux autres dérivations de sa libre
pensée procèdent d’une intention sincère ; le fait est que beaucoup
d’esprits libres prennent aussi naissance de l’une ou de l’autre façon.
Mais ce pourrait être une raison pour que les principes auxquels ils
sont parvenus par ces moyens soient tout de même plus vrais et plus
sûrs que ceux des esprits asservis. Ce qui compte dans la
connaissance de la vérité, c’est qu’on la possède, et non pas sous
quelle impulsion on l’a recherchée, par quelle voie on l’a trouvée. Si
les esprits libres ont raison, les esprits asservis ont tort, peu importe
si les premiers sont arrivés au vrai par immoralité et les autres restés
jusqu’à ce jour attachés au faux par moralité. − Au demeurant, il
n’entre pas dans la nature de l’esprit libre d’avoir des vues plus
justes, mais bien plutôt de s’être affranchi des traditions, que ce soit
avec bonheur ou avec insuccès. Mais d’ordinaire, il aura tout de
même la vérité de son côté, ou tout au moins l’esprit de recherche de
la vérité : il veut, lui, des raisons, les autres, des croyances.
225. L’esprit libre, notion relative
On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu’on ne s’y
attend de sa part en raison de son origine, de son milieu, de son état
et de sa fonction, ou en raison des opinions régnantes de son temps.
Il est l’exception, les esprits asservis sont la règle ; ce que ceux-ci lui
reprochent, c’est que ses libres principes ou bien ont leur source
dans le désir de surprendre ou bien permettent même de conclure à
des actes libres, c’est-à-dire de ceux qui sont inconciliables avec la
morale asservie. On dit aussi parfois que tel ou tel de ces libres
principes peut se déduire de quelque travers et exaltation de l’esprit ;
mais seule parle ainsi la méchanceté, qui ne croit pas elle-même à ce
qu’elle dit, mais veut s’en servir pour nuire : car l’esprit libre porte
d’habitude le témoignage de la précellence et de l’acuité de son
intelligence écrit sur son visage, si lisible que les esprits asservis le
comprennent fort bien. Mais les deux autres dérivations de sa libre
pensée procèdent d’une intention sincère ; le fait est que beaucoup
d’esprits libres prennent aussi naissance de l’une ou de l’autre façon.
Mais ce pourrait être une raison pour que les principes auxquels ils
sont parvenus par ces moyens soient tout de même plus vrais et plus
sûrs que ceux des esprits asservis. Ce qui compte dans la
connaissance de la vérité, c’est qu’on la possède, et non pas sous
quelle impulsion on l’a recherchée, par quelle voie on l’a trouvée. Si
les esprits libres ont raison, les esprits asservis ont tort, peu importe
si les premiers sont arrivés au vrai par immoralité et les autres restés
jusqu’à ce jour attachés au faux par moralité. − Au demeurant, il
n’entre pas dans la nature de l’esprit libre d’avoir des vues plus
justes, mais bien plutôt de s’être affranchi des traditions, que ce soit
avec bonheur ou avec insuccès. Mais d’ordinaire, il aura tout de
même la vérité de son côté, ou tout au moins l’esprit de recherche de
la vérité : il veut, lui, des raisons, les autres, des croyances.
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